Camille

Je m'appelle Camille, je vis à Strasbourg et j'ai une microphtalmie de l'œil gauche (avec cataracte et léger micro-orbitisme à la naissance). Je porte une prothèse oculaire depuis l’âge de 3 mois.

Je suis née en 1984 et à ma naissance les médecins et ma famille ont tout de suite remarqué qu'il y avait un souci. Les premiers mois vécus par mes parents ont été chaotiques (proposition d'énucléation, prothèse par un prothésiste dentaire), je dois beaucoup à leur ténacité : ils ont refusé que l'on fasse n'importe quoi et ont permis que l'on rencontre un spécialiste à Strasbourg qui a simplement reconnu qu'il ne connaissait pas assez la situation et qui nous a aiguillés à Paris à la fondation Rothschild chez le Dr Morax.

Suite à cela, j’ai très rapidement eu ma première prothèse dès mes 3 mois au cabinet de M. Durand à Paris. J’y ai été suivie jusqu’à mes 17 ans. Je vais maintenant pour des raisons géographiques chez M. Bornert à Strasbourg.

Le fait d'avoir mon œil (qui est resté bleu, contrairement à mon autre œil) sous la prothèse permet un peu de mobilité et je trouve la prothèse très réussie. Je la porte quasi en permanence sauf dans les périodes où mon œil coule beaucoup. Je dois dire que jusqu'à l'âge de 20 ans, je ne savais pas la manipuler, car je craignais de ne pas savoir la remettre et j'angoissais beaucoup à ce sujet.
Ce n'est plus le cas. J'ai même montré à des amis mon visage "sans prothèse" et suis sorti dans la rue comme ça. Ce furent de petites victoires pour moi qui ne m'acceptais pas sans prothèse car je ne me reconnaissais tout simplement pas comme cela. C'est en train de changer !

Cependant, je la garde très majoritairement, car je ressens un réel inconfort quand je ne la porte pas (ma microphtalmie est assez sévère et ma paupière tombe et me gêne). Les gens qui ne me connaissent pas pensent en général que j’ai un strabisme de cet œil et sont loin d’imaginer que je porte une prothèse oculaire.

Mon enfance s'est déroulée sans soucis vis à vis de mon œil, et je passais plus de temps à attirer l'attention sur moi à ce sujet (et à m'en vanter !!) qu'à en souffrir. Quelques camarades se sont peut être parfois un peu moqués de moi sans grande conséquence à l'époque.
Je n’ai jamais été exclue d’aucune activité que ce soit à l’école, au collège ou au lycée. J’ai fait du sport avec tout le monde, je n’ai pas eu d’adaptation du temps scolaire, n’en ayant pas besoin.

Pour le reste, ma vie quotidienne est on ne peut plus normale, je vais à la piscine,  je conduis, travaille... et me suis mariée l'an dernier. Je suis une jeune médecin généraliste depuis quelques mois.

Pour le quotidien : il m'arrive de verser de l'eau à côté de mon verre quand je ne l'approche pas assez près, et de me cogner un peu plus vers la gauche quand je fais les choses trop vite, mais rien de bien gênant ! Je suis un peu éblouie pour la conduite nocturne et le port de mes lunettes corrige un peu cela.Je ne vais pas voir les films en 3D que je ne pourrai jamais voir, ce qui ne m'ennuie que très peu.
C'est d'ailleurs lors d'une sortie scolaire en primaire à la cité des Sciences que j'ai pris conscience de ma différence, lors d'une projection d'un film en 3D. C'est peut-être l'épisode lié à ma microphtalmie le plus douloureux de mon enfance, car je ne m'y attendais pas. Je m’estime plutôt contente qu'il n'y ait pas eu de situation plus difficile que cela !

J’espère que mon témoignage pourra mettre un peu de baume au cœur des parents qui traversent des situations difficiles. Toutes les situations sont différentes, mais je vous le garantie, la vie est belle même à un seul œil !