Bonjour à tous,
Je suis Émilie, maman de Léïna. Notre fille est née avec une microphtalmie à l'œil droit.
Je viens vous raconter notre histoire, après un parcours difficile en PMA (procréation médicalement assistée) pour avoir notre bébé, je suis tombée enceinte après notre 2ème FIV (Fécondation In-Vitro).
Mon conjoint ayant une translocation chromosomique, nous devions faire une amniocentèse à 4 mois de grossesse. Les résultats sont revenus normaux, sans anomalies chromosomiques.
Enfin, nous étions rassurés, et heureux nous allions avoir une petite fille !!! Nous pensions qu'on vivrait une grossesse plus sereine que ces 4 premiers mois remplis de doutes et d'angoisses.
Mais seulement voilà, 1 mois plus tard, à l'échographie morphologique du 2ème trimestre mon gynécologue, spécialiste en diagnostic anténatal, a décelé une anomalie à l'œil droit. Au début, il n'a pas su dire que c'était une microphtalmie, il a d'abord pensé à un colobome, mais a préféré nous revoir 10 jours plus tard pour voir l'évolution et se renseigner de son côté.
Il nous a aussi prévenus que pour être sûrs que la microphtalmie soit isolée, et pas associée à un syndrome, nous aurions un suivi très poussé avec des échographies toutes les 2/3 semaines et en fin de grossesse un IRM et un scanner.
Pour nous, ce fut l'épreuve la plus dure de toute notre vie, nous avions l'impression que le sort s'acharnait contre nous. Nous étions anéantis car on s'imaginait le pire.
Et pour moi en tant que future maman, à vrai dire je me sentais déjà plus que jamais mère. J'avais peur de ne pas réussir à accepter la différence de mon enfant, ce bébé que je portais en moi, peur qu'il soit "déformé". Dans ces moments-là l'imaginaire s'en mêle et n'arrange rien. Et puis, avec tout ce que j'avais pu lire sur le net, (chose à ne pas faire évidement... mais quand l'attente du diagnostic est insupportable on cherche et on trouve.....tout sauf la réalité...) et les images n'en parlons pas... elles nous ont complétement perturbés.
Par précaution donc, j'ai passé une IRM et un SCANNER à 7 mois et demi de grossesse. De nouvelles angoisses et beaucoup de stress pendant l'attente des résultats. Et si notre bébé était lourdement handicapé, quelle décision prendre à quasi 8 mois de grossesse, alors que nous l'aimions déjà si fort... Finalement tous les résultats d'examens sont revenu normaux.
Nous avons alors voulu comprendre quelle en était la cause. Est-ce la translocation chromosomique de mon conjoint ? A priori non, la généticienne a éliminé cette raison.
On nous alors répondu, face à notre questionnement le fameux "C'est la faute à pas de chance". Difficile d'accepter cette phrase après notre parcours pour avoir notre enfant. Plus tard j'ai compris que cela signifiait sans doute l'impuissance, face à laquelle s'était retrouvée notre gynécologue pour expliquer la cause de la microphtalmie... Aujourd'hui encore, nous n'en savons pas plus.
En parallèle, j'ai trouvé le forum pour les parents et familles, et là j'ai commencé à lire les différents témoignages, à comprendre un peu la prise en charge et à être rassurée quant à l'avenir de notre fille.
J'ai alors repris confiance en moi, en nous et en mon bébé. Ma fille qui malgré toutes ces épreuves me montrait déjà dans mon ventre que tout irait bien, qu'elle allait bien !!! Elle m'a transmis mois après mois la force de continuer, de croire en elle. Je l'aimais déjà tellement fort.
Ensuite les choses se sont assez bien enchainées : 2 mois avant l'accouchement mon gynécologue nous a orientés vers la Fondation Rothschild à Paris. Nous avons rencontré le médecin qui s'occuperait de notre fille. Il nous a tout expliqué : 1 mois après sa naissance, il lui fera un fond d'œil et par la suite il nous a également parlé d'échographie sous AG, nous a expliqué pour la prothèse qui agrandira son orbite. Nous étions plus ou moins préparés pour la suite.
Le 30 Octobre 2011 restera le plus beau jour de notre vie, notre petite Léïna était née, plus jolie encore que nous l'imaginions !!!
Son œil était effectivement plus petit et fermé lors des premiers soins, et la magie opéra au moment où mon mari me la posa pour la 1ère fois sur moi. Léïna a ouvert en grand ses deux yeux et je garderai à vie ce premier regard partagé et mon mari aussi. Il n'en revenait pas qu'elle ait ouvert ses yeux à ce moment bien précis.
Les heures et jours suivants, son petit œil était le plus souvent fermé, il a fallu attendre 1 mois pour qu'il s'ouvre réellement en permanence.
A la maternité, je n'ai pas eu de prise en charge particulière. L'équipe semblait rassurée de voir que nous étions informés avant sa naissance de la malformation,... elle l'aurait été également si elle avait lu notre dossier médical ... Mais à notre grande surprise c'est nous qui expliquions et rassurions sur la malformation de Léïna aux différents intervenants, de la sage-femme au pédiatre... Cela n'a pas gâché mon séjour mais un sentiment de déception est né, car on nous a laissé malgré tout bien seuls, on les sentait gênés. A aucun moment un psychologue n'est venu nous voir.
A ses 1 mois, nous sommes retournés à la fondation Rothschild où les médecins on fait un fond d'œil : la rétine de son œil est repliée donc elle ne verra jamais avec. Mais son œil gauche voit très bien, et les médecins nous on dit qu'elle grandirait normalement et qu'elle aurait une vie comme les autres.
Lors de ce premier rendez-vous, on s'est rendu compte d'un dysfonctionnement de prise en charge concernant l'accueil des bébés et jeunes enfants dans cet hôpital. Léïna n'avait qu'1 mois et pourtant nous avons attendu 3-4 heures en salle d'attente pour 5 min de consultation. Notre 1ère contrariété concernant cet Hôpital, mais pas la dernière malheureusement .
Ils ont programmé une échographie sous anesthésie générale 1 mois plus tard, Léïna avait 2 mois pour vérifier si elle avait d'autres malformations visuelles. La journée la plus éprouvante : Léïna devait passer au bloc à 8h30 et elle n'est passée qu'à 12h30 seulement. Elle était à jeun depuis 3h du matin, difficile de faire patienter un nourrisson pendant des heures. Ça reste un souvenir traumatisant en plus des angoisses de l'anesthésie générale.
Ensuite je croise le médecin qui a réalisé l'écho et qui me dit entre deux portes qu'elle ne verra jamais de cet œil et qu'il faut au plus vite lui mettre une prothèse, merci - au revoir C'était aussi rapide que cette phrase. Pas d'accompagnement, pas d'orientation pour l'oculariste. En un mot aucune humanité. J'ai bien compris qu'on ne faisait pas dans les sentiments.
C'est grâce à Audrey et Raphaëlle, 2 mamans du forum que je me suis orientée vers un cabinet d'oculariste à Paris où leurs enfants étaient suivis, après une confirmation de Rothschild suite à un appel de ma part.
Deux mois plus tard, nous avons reçu le compte rendu de l'échographie des yeux de ma fille, un courrier avec le descriptif détaillé avec des termes très médicaux. Pas de rendez-vous pour l'interprétation du compte rendu....
J'ai donc pris contact avec l'oculariste qui nous a reçu très vite. Une belle rencontre avec des professionnels agréables et humains. On s'est sentis pris en charge, on nous a expliqué le travail d'expansion avec les prothèses. Il nous a montré des photos montrant l'évolution d'enfants avant et après prothèse. On est sortis du rendez-vous confiants et rassurés.
Avant le port de la prothèse nous avions décidé de beaucoup parler de la microphtalmie à notre entourage, ne pas en faire un sujet tabou. J'expliquais beaucoup et devançais même les questions. Je pense que ça me rassurait de fonctionner ainsi, ça évitait les réflexions désagréables. J’avais plus de mal avec le regard extérieur des personnes, pas toujours attentionné.
Je pensais qu'avec un diagnostic anténatal tout serait plus simple. Je ne me suis rendue compte qu'un nourrisson atteint d'un handicap n'est pas pris pour un être humain à part entière mais comme un vulgaire cas pour certains médecins...
Certains, car c'est vrai que nous avons eu beaucoup de chance, avec mon gynécologue pendant la grossesse, il nous a portés, orientés et accompagnés.
Malheureusement pas à la fondation Rothschild, dont je ne remets pas en cause la compétence professionnelle, mais dont je remarque le manque d'humanité et d'accompagnement adapté pour un bébé.
Tout le traumatisme que cela a engendré chez Léïna aurait pu être minimisé avec une approche différente de la part des équipes médicales, avec un peu plus de douceur. Cela veut dire aussi prendre plus de temps avec un bébé, et à aucun moment ça n'a été le cas.
Elle a été longtemps très angoissée à chaque rendez-vous chez le médecin. Les crises de pleurs se sont calmées avec le temps mais ça reste fragile quand un changement de prothèse vient d'avoir lieu.
Merci au forum et à l'association à tous ceux qui ont permis que tout cela soit possible. J’y ai trouvé du soutien et de l'aide, grâce en autre à ces rencontres, des personnes qui vivent les mêmes difficultés, ceux qui comprennent mieux que personne tout ce qu'on a pu traverser.
Aujourd'hui Léïna est une petite fille de 16 mois pleine de vie et d'énergie, elle en est à sa 4ème prothèse en 1an. Le résultat est génial. Les gens qui ne la connaissent pas ne se doute pas qu'elle porte une prothèse.
Elle ne semble pas en difficulté quant à son évolution sur le plan psychomoteur.
Nous ne sommes pas encore très à l'aise pour manipuler la prothèse, même si nous n'avons pas besoin de le faire a priori, il arrive parfois qu'elle se déplace. Léïna ne se laisse pas faire et pour lui nettoyer l'œil c'est assez compliqué.
Enfin, je pense que nous ferons une force de tout ce parcours, Léïna a déjà un caractère bien trempé ! Elle sait ce qu'elle veut.
Émilie.