Le protocole de prise en charge de l'anophtalmie, bien qu'appliqué depuis 1998 par le cabinet d'ocularistes qui l'a mis en place, n'est pas encore inscrit officiellement sur la Liste des Prestations Remboursées par l'Assurance Maladie.
Cela pose donc de nombreux problèmes pour l'accès à cette technique particulière, qui ne peut donc pas être prescrite officiellement et qui est pourtant indispensable pour un enfant né sans globe oculaire.
En janvier 2014, notre association s'est associée aux démarches déjà effectuées par le syndicat des ocularistes UDOF pour informer le Ministère de la Santé au travers d'un courrier adressé à Mesdasmes les Ministres, Marisol Touraine et Marie-Arlette Carlotti, de ce manque et de nos inquiétudes.
Association Microphtalmie France souhaite porter à votre connaissance la situation dramatique et inquiétante des bébés naissant sans globe oculaire en France. Cette malformation, appelée anophtalmie, concerne chaque année une dizaine d’enfants et a un retentissement esthétique et fonctionnel majeur.
Alors qu’une prise en charge précoce et innovante existe en France depuis 1998 et fait intervenir « des prothèses d’expansion à picots », celle-ci n’est toujours pas reconnue officiellement par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et le type de prothèse qu’elle utilise n’est toujours pas inscrit sur la Liste des Prestations et Appareillages, malgré la demande actuellement en cours.
En 2007 le Ministère de la santé, reconnaissant le caractère indispensable des prothèses oculaires, a voulu que celles-ci soient particulièrement bien remboursées et fassent l’objet d’un tiers-payant. Il n’est donc pas admissible qu’un blocage administratif empêche les enfants naissant sans yeux, et ayant le plus à gagner par le port de prothèses, d’en porter !Pour un enfant naissant avec une anophtalmie et un micro-orbitisme, il est important de commencer à dilater l’orbite dès cinq semaines après la naissance. La particularité de nos enfants ne permet pas de faire une prise d’empreinte dès le début et requiert une technicité très particulière pour permettre l’expansion. L’usage de conformateurs à picots de taille standard pendant les 3 premiers mois permet ensuite de faire des prothèses par prise d’empreinte et d’obtenir de bien meilleurs résultats qu’en ayant recours à des chirurgies invasives.
Ce protocole, conçu et appliqué par le cabinet oculariste Durand depuis 1998, apporte un grand bénéfice aux enfants nés avec une anophtalmie ayant entrainé un micro-orbitisme et une micro-blépharie (i.e. un sous-développement de la paupière). Il permet de réduire grandement le nombre d’interventions chirurgicales maxillo-faciales ainsi que la lourdeur de celles-ci, de maintenir ces enfants dans leur famille plutôt que de leur faire subir des interventions chirurgicales régulièrement, et finalement leur permettre de porter des prothèses oculaires esthétiques.
Ce protocole est connu et reconnu à Paris, dans les grands centres de prise en charge des hôpitaux Necker-Enfants Malades, Trousseau, de la Fondation Rothschild et des Quinze-Vingt, et fait l’objet d’un enseignement du Diplôme inter-universitaire d’ophtalmologie pédiatrique de l’université René Descartes-Paris V, UFR Necker-Enfants Malades ainsi que de communications dans les congrès d’ophtalmologie . Pourtant, en province particulièrement, nous constatons que la diffusion de l’information et l’accès à ce protocole sont totalement freinés par cette absence de reconnaissance administrative ; les médecins orientent les bébés anophtalmes vers l’oculariste le plus proche qui n’est malheureusement pas formé à cette technique ; les caisses d’assurance maladies refusent d’accepter la prise en charge des transports et de rembourser ces prothèses particulières, au motif qu’elles ne sont pas inscrites à la LPPR.
L’absence de reconnaissance administrative de ce protocole a des conséquences extrêmement graves pour les enfants :
- Elle empêche que ces prothèses particulières soient prescrites par les médecins et qu’il soit tenu compte de la particularité de l’anophtalmie congénitale _ particularité qui est reconnue sur le plan médical mais pas administratif.
- Elle entraine l’orientation de certains enfants vers des prises en charge inadaptées ou des chirurgies ayant de lourdes conséquences sur la capacité à porter des prothèses par la suite. Ces séquelles sont irrémédiables.
- Elle empêche l’application de ce protocole en dehors du cabinet oculariste Durand situé à Paris. En effet, ce protocole de soin requiert la fabrication de nombreuses prothèses pour un enfant, parfois pendant plusieurs années, et nécessite donc un travail important ainsi qu’une formation particulière.
- Elle empêche la prise en charge égale de tous les enfants, car ce protocole n’est un succès que lorsqu’il est établi au plus tôt, ce qui est bien trop rarement le cas.
- Elle fait supporter aux parents des frais de transports et des démarches d’appel qui sont un calvaire pour des familles qui doivent déjà affronter une situation médicale compliquée.
Bien que concernant peu d’enfants, il s’agit d’une situation inadmissible dans un pays comme la France.
Comment accepter que des enfants soient définitivement défigurés faute d’avoir habité Paris ou que leurs parents et médecins aient su à temps l’existence de cette technique, ou bien encore qu’ils aient pu financer eux-mêmes plusieurs dizaines de transports vers Paris ?L’association que nous avons créée en 2012 a pour objectif de faire progresser la diffusion de l’information concernant la prise en charge de ces malformations oculaires rares, palliant ainsi un défaut d’accompagnement des familles. Cependant, si les services administratifs de l’Etat continuent à méconnaitre la particularité de l’anophtalmie et à ne pas rembourser les prothèses qui lui sont adaptées, aucun médecin ne pourra enfin les prescrire, n’obligeant pas l’oculariste à appliquer ce protocole.
Nous vous rappelons que par courrier du 13 juillet 2011 et du 21 août 2012, l’Union Des Ocularistes Français (UDOF), syndicat des ocularistes français, vous a sollicité afin de faire reconnaitre ce protocole. Un projet de nomenclature et de tarifs pour l’appareillage de l’anophtalmie congénitale avait même été réalisé par Monsieur André Tanti, vice-président du CEPS en janvier 2011. [...]
En tant que présidente de l’association, et maman d’une petite fille née avec une anophtalmie gauche [...], je serais ravie de pouvoir m’entretenir avec vous afin de vous faire part des multiples difficultés que les familles rencontrent pour accéder à ce protocole.
Je reste bien entendu à l’entière disposition des personnes compétentes, Madame la Ministre, afin qu’une solution satisfaisante à ce problème puisse être trouvée à l’échelle nationale.
En vous souhaitant bonne réception de ce courrier, je vous prie d’agréer Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.